Sécheresse oculaire : un trouble de plus en plus fréquent (et souvent sous-estimé)
Un phénomène massif lié à nos modes de vie

La sécheresse oculaire n’est plus un simple inconfort passager. C’est devenu l’un des premiers motifs de consultation en ophtalmologie. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon les études européennes, entre 15 % et 30 % de la population présente des symptômes, avec un pic chez les femmes après 45 ans et chez toutes les personnes exposées aux écrans plus de six heures par jour.
L’explosion du télétravail joue un rôle déterminant. Lorsque l’on fixe un écran, le clignement des yeux passe en moyenne de 18 clignements par minute à seulement 4 à 6. Résultat : le film lacrymal s’évapore plus vite, créant sensations de sable, tiraillements, vision trouble en fin de journée.
Pourquoi les yeux deviennent secs ? Une mécanique plus complexe qu’il n’y paraît
La sécheresse oculaire n’est pas seulement un manque de larmes. C’est un déséquilibre du film lacrymal, une structure sophistiquée composée de trois couches : une couche lipidique (huileuse), une couche aqueuse (eau) et une couche mucinique (mucus). Dès que l’une d’elles est perturbée, l’œil perd sa capacité naturelle de lubrification.
Dans 70 à 80 % des cas, la cause dominante est un problème de glandes de Meibomius. Ces glandes, situées dans les paupières, produisent l’huile qui empêche l’évaporation des larmes. Lorsqu’elles se bouchent — un phénomène favorisé par les écrans, le maquillage laissé la nuit ou les lentilles — les larmes s’évaporent trop vite.
À cela s’ajoutent d’autres facteurs :
• l’âge (la production lacrymale baisse dès 40 ans),
• les variations hormonales,
• certaines maladies auto-immunes,
• la pollution,
• la climatisation et le chauffage sec,
• mais aussi plusieurs traitements médicamenteux.
Ce terrain multifactoriel explique pourquoi la sécheresse oculaire peut devenir chronique, parfois très invalidante.
Les manifestations qui doivent alerter
La sécheresse oculaire n’est pas toujours criante. Elle peut évoluer par épisodes, passer inaperçue, puis devenir plus marquée. Les symptômes les plus fréquents sont : sensation de grain de sable, brûlures, yeux rouges, larmoiement paradoxal, démangeaisons, vision floue par moments.
Certains patients décrivent une impossibilité à garder les yeux ouverts en fin de journée, particulièrement après plusieurs heures d’écran.
À long terme, le manque d’hydratation peut fragiliser la surface oculaire, provoquer des micro-inflammations ou rendre le port de lentilles difficile voire impossible.
Diagnostic : un examen rapide… mais extrêmement précis
Contrairement aux idées reçues, un simple test au cabinet suffit pour déterminer la gravité du trouble. L’ophtalmologiste évalue :
- la stabilité du film lacrymal,
- la qualité de l’huile produite par les glandes,
- l’état des paupières,
- la présence d’une éventuelle inflammation.
Des examens plus poussés peuvent être réalisés si nécessaire (meibographie, osmolarité lacrymale). Ils permettent de cartographier l’état des glandes et d’orienter un traitement sur-mesure.
Les solutions efficaces : de l’hydratation quotidienne aux traitements ciblés
Le traitement dépend toujours de la cause dominante. Dans la majorité des cas, l’objectif est double : améliorer la qualité du film lacrymal et restaurer le fonctionnement des glandes de Meibomius.
Les larmes artificielles restent la base, mais ne résolvent pas tout. Les nouveaux gels et solutions lipidiques apportent une meilleure stabilité, notamment chez les personnes qui travaillent sur écran.
Lorsque les glandes sont bouchées, les traitements instrumentaux sont décisifs. Les protocoles de chauffage contrôlé (type LipiFlow, E>Eye, IPL médical selon les cabinets) permettent de déboucher les glandes et de relancer leur fonctionnement naturel. Ces techniques sont aujourd’hui validées par de nombreuses études, avec une amélioration significative du confort visuel chez 60 à 85 % des patients selon les séries.
Enfin, les cures d’acides gras oméga-3, l’hygiène palpébrale régulière, la réduction du maquillage sur la ligne des cils et quelques ajustements d’environnement (humidification, pauses visuelles toutes les 20 minutes) renforcent l’efficacité des traitements.
Peut-on vivre normalement avec une sécheresse oculaire ? Oui, avec une prise en charge adaptée
La sécheresse oculaire n’est pas une fatalité. Bien prise en charge, elle peut être stabilisée, voire fortement améliorée. L’objectif n’est pas seulement le confort, mais aussi la protection de la surface oculaire à long terme.
Beaucoup de patients ignorent qu’une gêne légère aujourd’hui peut devenir plus difficile à traiter si elle n’est pas identifiée tôt. Une évaluation complète permet de comprendre la cause dominante et de mettre en place un plan personnalisé.
Quand consulter ?
Vous pouvez consulter si vous ressentez : gênes persistantes, brûlures répétées, vision qui fluctue, fatigue visuelle importante en fin de journée, inconfort avec les lentilles, ou si vos yeux « pleurent sans raison ».
Une consultation dédiée permet d’évaluer votre sécheresse oculaire, de comprendre son origine et de proposer les solutions les plus adaptées à votre situation.














